Afrique sceptique

Dans quelques heures nous quitterons Dakar, direction Santiago de Chile après une courte escale à Madrid.

Nous avons aimé ce continent, ses habitants, sa culture. Mais tout au long de notre parcours, nous avons rencontré de nombreuses personnes qui rêvaient d'un développement économique a l'occidentale pour leur pays. Ceci nous parait impossible est ce pour plusieurs raisons. En voici quelques unes.

L'Afrique ne peut adopter notre modèle de développement
Inimaginable le "travailler plus pour gagner plus!" qui a séduit tant de français il y a un an. Le partage est ici une règle d'or. Un africain nous disait : "ici, si tu es pauvre tout le monde se moque de toi, mais si tu es riche tout le monde vient te demander de l'argent".

Nous avons rencontré des personnes qui n'osaient pas rentrer chez eux de crainte de devoir redonner le peu qu'ils avaient gagné. Ici, l'épargne n'existe pas, si tu as de l'argent, tu dois en faire profiter celui qui en a besoin. Cette générosité extrème a ses limites... Comment épargner suffisament pour ensuite pouvoir investir dans une petite affaire? Pourquoi se décarcasser si ce sont uniquement les autres qui en profitent? On se rend compte ici, qu'un peu d'individualisme a aussi du bon! De ce point de vue le contraste avec l'Asie (notamment la Chine et le Viet-Nam, pays pourtant communistes) a été plus que saisissant.

L'Afrique est confrontée à un problème démographique majeur.
Vous l'avez vu dans les médias ou lu sur ce blog, le monde a faim et a souvent des problemes pour se nourrir. En Afrique, ce problème n'est pas prêt de s'améliorer à en juger par la démographie galopante. Quelques chiffres clés : depuis 1950 la population a été multipliée par 5 et de 600 millions aujourd'hui, elle devrait encore doubler ou tribler d'ici 2050! Comment nourrir ce surplus de population quand ce continent n'arrive deja pas a l'autosuffisance alimentaire aujourd'hui?
Avec plus de la moitié de sa population qui a moins de 15 ans, comment peut-elle assurer une éducation adéquate a ses enfants? Au Mali, ils sont parfois deja 130 par classe!

Un gaspillage permanent
Tout développement nécessite des infrastructures, des investissements, un Etat présent, une Autorité crédible. Mais l'Afrique est gangrénée par la corruption généralisée. La moindre parcelle de pouvoir est transformée en monnaie sonnante et trébuchante (du chef de l'Etat au douanier en passant par le géomètre). Tout se monnaye ici. Pour l'anecdote lorsque pour simplifier Gabriel disait qu'il était "conseiller du maire", la réaction la plus fréquente était "ouaou, çà doit rapporter!", au sens, "tu dois en toucher des pots de vins!"
Et nous ne parlons pas des dépenses somptuaires de certains chefs d'Etat. Par exemple Wade, le président sénégalais a offert pendant sa campagne plus de 400 véhicules 4x4 à ceux qui le soutenaient (le tout sur fond public bien évidemment). Et que dire de l'avion de luxe que ce président vient d'acquerir? Son coût représente deux fois celui du plan contre la vie chere qu'il vient de décider!

Quel avenir pour l'Afrique?
L'Afrique pourra-t-elle trouver un modèle qui lui permette de sauvegarder sa culture et de subvenir à ses besoins?

Nous l'esperons bien evidemment mais nous sommes loin d'en etre sûr. L'attentisme ici est omnipresent. On attend beaucoup des autres, de l'exterieur. Une africaine a publie recemment "l'Afrique veut-elle vraiment se developper?". Elle y explique que l'Afrique est sans doute le seul continent qui attende son salut de l'exterieur.

En attendant, dans bien des cas nous avons compris que le rêve de milliers d'entre eux est de rejoindre l' Europe. Comment leur reprocher de vouloir réussir leur vie? Ici, ils seront pour la plupart obliger de végéter.
Néanmoins, lorsque certains parviennent à réunir plus de 500 000 FCFA (750€) pour embarquer au péril de leur vie à bord d'une pirogue à destination des îles Canaries. On se dit que cet argent (c'est une véritable fortune ici) aurait pu être investi autrement! A deux ou trois avec ce capital, on peut monter une jolie petite entreprise.

En attendant, en laissant de côté ces questions, nous avouons que l'Afrique nous a fasciné par ces paysages, la chaleur de ces habitants, son babel linguistique et tant d'autres choses. Après ce véritable périple africain, nous nous envolons vers l'Amérique Latine! A bientôt du Chili!